Semences
paysannes
biodiversité,
droit des paysans
et
souveraineté alimentaire
Un bref épisode de
la longue histoire des semences paysannes
L’industrialisation
de l’agriculture et la spécialisation de la sélection variétale
conduit dès le début du 20ème siècle, et de manière accélérée
après la 2nde guerre mondiale, à une érosion de la biodiversité
cultivée dans les champs : le nombre des espèces cultivées
chute drastiquement et les variétés populations (de base génétique
large), sont peu à peu remplacées par des variétés fixées,
stables et homogènes. L’adaptation locale, l’élargissement et
le renouvellement de la biodiversité dans chaque champ par la
pratique traditionnelle consistant à ressemer (et échanger) une
partie du grain récolté, est peu à peu abandonnée par les
paysan(ne)s. La FAO1
estime que « depuis le début du siècle, 75% de la diversité
génétique des plantes cultivées a été perdu.
Dans les
années 90, l’émergence des OGM fait prendre conscience à
certains paysan(ne)s de leur perte d’autonomie vis à vis des
semences et du risque de ne plus pouvoir choisir et avoir accès à
des variétés adaptées à leurs pratiques (agriculture biologique,
transformation artisanale ou fermière, filière de proximité). Des
paysan(ne)s, souvent isolés, recherchent alors des variétés
historiquement cultivées dans leur région, pour les recultiver et
les adapter sans intrants chimiques à leur terroir et aux conditions
actuelles. Ils trouvent ces variétés parfois chez les « anciens »
et souvent dans les banques de graines gérées par l’INRA2.
Petit à petit des groupes se structurent, des liens se créent
parfois avec des chercheurs de l’INRA (généticiens,
sélectionneurs) pour mettre en oeuvre des actions de sélection
participative à partir de variétés populations. Ce mouvement très
divers se formalise en 2003 avec la création du Réseau des Semences
Paysannes (RSP)3.
Le mouvement anti-OGM.
Mais parallèlement à cet
important mouvement, des paysan(ne)s de la Confédération Paysanne
(souvent les mêmes) s'engagent dans une bataille frontale contre les
firmes semencières notamment par des actions de fauchage. Alors que
les OGM déferlent pratiquement sans résistance sur le continent
américain, ils rencontrent de ce côté-ci de l'Atlantique une forte
résistance qui conduit à un 1er moratoire européen (de 1999 à
2004 ).
Avec la création en 2003 du collectif des Faucheurs Volontaires,
de nombreux acteurs souvent issus du milieu associatif rejoignent le
mouvement anti-OGM. Fauchages et procès se succèdent et font de
plus en plus rentrer les OGM dans le débat public. La forte
mobilisation de nombreuses organisations conduit alors en
France à un moratoire sur la culture du maïs OGM, effectif depuis
2008 mais restant très fragile. D'autres pays européens l'adoptent
également.
Semences Paysannes contre OGM : un enjeu
planétaire
Surpris par cette résistance, les firmes
semencières intensifient leur lobbying pour que certaines
techniques de génie génétique soient exclues de la réglementation
européenne. Ainsi la directive 2001/18 "relative à la
dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement",
précise que les OGM obtenus par "mutagénèse" ou "fusion
cellulaire", ne font pas partie de son champ d’application.
Ils peuvent être ainsi diffusés sans la moindre obligation
d’affichage ni de demande d’autorisation, ce qui de fait les
transforme en OGM cachés.
Et ce lobbying se poursuit en ce
moment même au sein d’un groupe de travail européen pour
déterminer, pour une dizaine de nouvelles techniques de génie
génétique, lesquelles feront ou non partie de la réglementation
européenne !
Ces grandes manoeuvres s’inscrivent en fait dans une stratégie
globale de privatisation des semences, avec la confiscation
juridique par les brevets ou les certificats d’obtention
végétale et la confiscation biologique par la mise sur le
marché d’hybrides F1 non reproductibles.
C’est ainsi qu’une poignée
de firmes4
tentent de maîtriser la production et la distribution des
principales ressources génétiques de la planète pour
l’alimentation.
Qu’elles cherchent à détenir un pouvoir
aussi exorbitant (l'arme alimentaire !) est inacceptable et
terrifiant. Mais à travers cette appropriation du vivant, c’est
aussi la biodiversité cultivée qui est gravement menacée car il
n’y a aucune commune mesure entre la diversité produite
spontanément par des millions de paysan(ne)s et celle produite
industriellement par quelques firmes dont le mode de fonctionnement
est basé sur l'économie d'échelle et la standardisation.
Après un bref rappel historique sur
les semences, ces stratégies d'appropriation des firmes seront
développées ainsi que les menaces qui leur sont associées. Le
nouveau cadre réglementaire européen sera ensuite présenté en
précisant à la fois les ouvertures et les dangers qu'il comporte.
La présentation se terminera par les propositions portées par les
réseaux militants.
1Organisation
des nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture
2Institut
National de la Recherche Agronomique
3http://www.semencespaysannes.org/
4
Monsanto, Syngenta, Pioneer, Limagrain, Bayer, BASF...
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